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Ennui

Variantes Singulier Pluriel
Masculin ennui ennuis

Définitions de « ennui »

Trésor de la Langue Française informatisé

ENNUI, subst. masc.

A.− Vieilli ou région. Abattement causé par une grave peine, une profonde douleur. Il est tombé dans un ennui et dans une faiblesse qui ont donné frayeur pour sa vie (Maîtres sonneurs) (Vincent, Lang. et style rust. Sand,1916, p. 184).
En partic. Nostalgie, regret de quelqu'un ou quelque chose et, absol., mal du pays. Que l'ennui de toi me prenne (Flaub., Corresp.,1849, p. 95).Il avait l'ennui... Il pleurait tout le temps (Ramuz, Gde peur mont.,1926, p. 86).
[Avec réf. à l'emploi cour. dans la lang. class.; en partic. cf. Racine, Bérénice, I, 4 : Dans l'Orient désert quel devint mon ennui!] :
1. Aussi comprend-on que Françoise avait pu dépérir, les premiers jours, en proie (...) à un mal qu'elle appelait elle-même l'ennui, l'ennui dans ce sens énergique qu'il a chez Corneille ou sous la plume des soldats qui finissent par se suicider parce qu'ils s'« ennuient » trop après leur fiancée, leur village. Proust, Le Côté de Guermantes 1,1920, p. 19.
B.− Moderne
1. Sentiment de lassitude.
a) Sentiment de lassitude coïncidant avec une impression plus ou moins profonde de vide, d'inutilité qui ronge l'âme sans cause précise ou qui est inspiré par des considérations de caractère métaphysique ou moral. Ennui incurable; accablé, rongé d'ennui, languir d'ennui. [Emma] sentait l'ennui plus lourd qui retombait sur elle (Flaub., MmeBovary,t. 1, 1857, p. 73).Je suis l'ennui et la navrance en personne! (Valéry, Corresp. [avec Gide], 1891, p. 125).La promenade est une invention de l'ennui; on promène l'ennui (Alain, Propos,1932, p. 1088):
2. Tout me lasse : je remorque avec peine mon ennui avec mes jours, et je vais partout baîllant ma vie. Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe,t. 1, 1848, p. 337.
Rem. 1. Dans ce sens, le mot est souvent associé à abattement, langueur, mélancolie, tristesse. 2. Le mot apparaît avec majuscule pour désigner l'ennui personnifié. C'est l'Ennui! − l'œil chargé d'un pleur involontaire (Baudel., Fl. du Mal, Paris, Gallimard, 1857-61, p. 6).
b) Sentiment de fatigue, de découragement provoqué par l'inaction ou le manque total d'intérêt de quelqu'un ou quelque chose. Ennui mortel, sans nom; air d'ennui; baîller d'ennui. Tout ici respire un ennui mortel! (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène,t. 1, 1823, p. 522).Le concert s'acheva dans l'atmosphère d'ennui spéciale à ces sortes d'assemblées (Vogüé, Morts,1899, p. 407).Je reproche à la politique quelle qu'elle soit, l'énorme ennui qu'elle dégage (Green, Journal,1949, p. 314).
SYNT. Ennui écrasant, féroce, profond; geste, impression, moment d'ennui; crever, mourir d'ennui; tromper l'ennui; avec/ sans ennui.
[Avec compl. prép. de désignant ce qui cause l'ennui] L'ennui de transcrire des pièces secrètes (Stendhal, L. Leuwen,t. 2, 1835, p. 260).Ennui de ces longues conversations où rien n'avance (Renard, Journal,1906, p. 1095).
Rem. Dans ce sens, le mot apparaît souvent en assoc. avec dégoût, désœuvrement, fatigue, oisiveté.
2. Sentiment de désagrément, de contrariété, voire d'inquiétude, motivé par une cause extérieure passagère plus ou moins grave. Cause d'ennui; pour comble d'ennui; avoir de l'ennui du côté de qqn ou qqc. Il laisse percer son ennui de ne pouvoir se faire jouer (Goncourt, Journal,1882, p. 208).Je m'en tire assez bien, au grand ennui des Jaubert qui espéraient sournoisement me voir grondée (Colette, Cl. école,1900, p. 150):
3. Avons-nous une destinée? Sommes-nous libres? Quel! ennui de ne pas savoir! Quels ennuis si l'on savait. Renard, Journal,1889, p. 26.
P. méton., au sing. et au plur. Ce qui cause le sentiment de contrariété ou d'inquiétude. Ennui mécanique; ennui d'argent, de chauffage, de santé; être assailli d'ennuis. (Quasi-)synon. accident, anicroche, pépin (fam.).Toujours des ennuis de ménage (Claudel, Corresp.[avec Gide], 1910, p. 125).Elle risquait de créer aux Van Bergen toute sorte d'ennuis et de difficultés (Van der Meersch, Empreinte dieu,1936, p. 88).À cent kilomètres environ d'Hassetché nous eûmes un ennui de voiture (Tharaud, Alerte en Syrie!1937, p. 221).
Avoir des ennuis. Se trouver dans une situation difficile. Quelques-uns de mes confrères qui craignent d'avoir des ennuis à la Libération (Montherl., Demain,1949, II, 3, p. 724).
En partic. Avoir des démêlés avec quelqu'un. MlleEmma Siller a des ennuis avec son propriétaire (Gide, Journal,1911, p. 339).
L'ennui/le seul ennui, c'est que. (Quasi-)synon. le hic, c'est que.Le seul ennui est qu'il va falloir attendre (Zola, DrPascal,1893, p. 222).L'ennui c'est qu'il n'a pas pris l'argent (Claudel, Échange,1954, III, p. 788).
Rem. La docum. atteste ennuyance, subst. fém., lang. pop. région. Synon. de ennui. a) [Correspond à B 1 a] J'ai eu souvent de l'ennuyance, mais plus jamais (...) à partir du moment où cette petite main-là s'est nichée toute tiède dans la mienne (Genevoix, É. Charlebois, 1944, p. 43). b) [Correspond à B 2 b] Personne à qui compter mes ennuyances (Maupass., Contes et nouv., t. 2, R. Prudent, 1886, p. 645).
Prononc. et Orth. : [ɑ ̃nɥi]. Ds Ac. 1694-1932. Jusqu'au xviiies. on prononçait aussi bien [ɑ ̃nɥi], qui n'a prévalu qu'au xixes., que [anɥi]. Cette dernière prononc. est encore cour. dans le Midi de la France (cf. ennemi). La persistance de la nasale dans l'initiale s'explique p. anal. avec des mots du type enfermer, etc. Étymol. et Hist. 1. 1remoitié xiies. « tristesse profonde, chagrin, dégoût » (Psautier Oxford, éd. Fr. Michel, CXVIII, 28 : Sermeilla la meie aneme pur ennui [prae taedio]); 1658 par affaiblissement « lassitude d'esprit, manque de goût, de plaisir » (Pascal, Pensées, éd. Ph. Sellier, Projet de 1658, IX Divertissement, § 168); 2. 1130-40 « contrariété très forte, tourment » tournera a grant enui (Wace, Conception ND, 448 ds Keller, p. 104b). Déverbal de ennuyer*. Fréq. abs. littér. : 5 415. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 8 008, b) 8 827; xxes. : a) 8 029, b) 6 636. Bbg. Arnold (W.). Ennui, spleen, nausée, tristesse. N. Spr. 1966, t. 15, pp. 159-173. − Bianchini (A.). Le Développement du mot ennui de la Pléiade jusqu'à Pascal. Cultura neolatina. 1952, t. 12, pp. 225-238. − Dumonceaux (P.). Lang. et sensibilité au 17es. Genève, 1975. − Johnston (O.M.). Old French enui, annui, anoi, enoi, ennui, ennuy, applied to persons. Mod. Lang. Notes. 1930, t. 45, pp. 32-34. − Sagnes (G.). L'Ennui ds la litt. fr. de Flaubert à Laforgue. Paris, 1969.

Wiktionnaire

Nom commun - français

ennui \ɑ̃.nɥi\ masculin

  1. Lassitude, langueur temporaire causée par une occupation dépourvue d’intérêt, monotone, déplaisante ou trop prolongée, ou par le désœuvrement.
    • Je conseille aux gens qui ont la fatuité de prétendre qu’ils s’ennuient d’aller passer trois ou quatre jours à l’Escurial ; ils apprendront là ce que c’est que le véritable ennui, et ils s’amuseront tout le reste de leur vie en pensant qu’ils pourraient être à l’Escurial et qu’ils n’y sont pas. — (Théophile Gautier, Voyage en Espagne, Charpentier, 1859)
    • L’ennui est la grande maladie de la vie ; on ne cesse de maudire sa brièveté, et toujours elle est trop longue, puisqu’on n’en sait que faire.— (Alfred de Vigny. Journal d’un poète (1867). Editions Librairire Delagrave, 1921, page 86)
    • Nous étions tous possédés d’une inquiétude lente qui nous faisait languir. Personne ne s’ennuyait, mais cette sensation poignante était cent fois pire que l’ennui. Il paraissait d’avance que cette nuit n’aurait pas de fin. — (Ivan Tourgueniev, L’Exécution de Troppmann, avril 1870, traduction française de Isaac Pavlovsky, publiée dans ses Souvenirs sur Tourguéneff, Savine, 1887)
    • De temps à autre, elle regardera dehors et fera la lippe. Je lirai dans ses yeux ce que je lis dans les yeux de tous. L’ennui. — (Marcel Godin, Ce maudit soleil, Éditions Robert Laffont, 1965, chapitre 1)
  2. Lassitude morale permanente qui fait qu’on ne prend d’intérêt, qu’on ne trouve de plaisir à rien.
    • Beaucoup s’en vont. Ceux qui restent se désaffectionnent de leur champ ; ils traînent leurs ennuis sur la glèbe, tourmentés par des aspirations vagues, des idées confuses d’ambitions nouvelles et de jouissances qu’ils ne connaîtront jamais. — (Octave Mirbeau, Le Tripot aux champs, Le Journal, 27 septembre 1896)
    • Cet état de tranquillité un peu dolente […] cessa brusquement. Un jour, l’ennui s’implanta en lui, l’ennui noir qui ne permet ni de travailler, ni de lire, ni de prier, qui vous accable à ne plus savoir ni que devenir, ni que faire. — (Joris-Karl Huysmans, La Cathédrale, Plon-Nourrit, 1915)
    • […] ; sa mère est une cyclothymique avérée passant, sans motifs apparents, d'un sentiment profond d’ennui à celui d'une gaîté plus ou moins exubérante. — (Encéphale : Journal de neurologie et de psychiatrie, 1913, vol. 8, n° 2, page 71)
    • Tout homme qui obtient ce qu'il désire, ou qui va l'obtenir, veut la durée : rien de plus naturel que les serments prodigués par les amoureux. Le bonheur spontané veut la durée. Mais de la durée vient l’ennui : c'est pourquoi beaucoup les confondent. — (Denis de Rougemont, Comme toi-même : Essais sur les Mythes de l'Amour, Albin Michel, 1961, page 147)
    • Mais l’ennui dense et profond de bourgeois du XIXe siècle, stade élémentaire, mal élaboré de l’inquiétude métaphysique, vite et facilement converti en suicide individuel ou collectif, était-il préférable ? Le bovarysme fut un problème de masse. — (Emmanuel Todd, Le Fou et le Prolétaire, 1979, réédition revue et augmentée, Paris : Le Livre de Poche, 1980, page 172)
    • Le problème de l’homme moderne n’est pas sa méchanceté. Au contraire, il préfère, dans l'ensemble, pour des raisons pratiques, être gentil. Simplement il déteste s’ennuyer. L’ennui le terrifie alors qu’il n’y a rien de plus constructif et généreux qu’une bonne dose quotidienne de temps morts, d’instants chiants, d'emmerdement médusé, seul ou à plusieurs. — (Frédéric Beigbeder, 99 francs, Gallimard, 2000, collection Folio, page 151)
  3. Contrariété ; souci. — Note d’usage : Dans ce sens, il s’emploie souvent au pluriel.
    • Autrefois j’avais des ennuis et je ne m’ennuyais pas ; les ennuis, c’est une grande distraction. — (Anatole France, Le crime de Sylvestre Bonnard, Calmann-Lévy ; éd. Le Livre de Poche, 1967, page 54)
    • Et puis, on leur avait créé d’autres ennuis, suscité d’autres chicanes mesquines. — (Jean Rogissart, Passantes d’Octobre, Librairie Arthème Fayard, Paris, 1958)
    • Laurent Hénart, député de Meurthe-et-Moselle, est un beau gosse dans le genre fonceur qui a eu quelques ennuis avec les flics pour excès de vitesse et qu'André Rossinot parraine comme son futur successeur à Nancy. — (Frédéric Mitterrand, La Récréation, éd. Robert Laffont, 2013, page 29)
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Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

ENNUI. n. m.
Lassitude d'esprit, langueur, dépression causée par une occupation dépourvue d'intérêt, monotone, déplaisante ou trop prolongée, ou par le désœuvrement. Éprouver de l'ennui. Donner, causer de l'ennui. Un ennui mortel. Un spectacle qui engendre l'ennui. On ne saurait entendre cette lecture sans ennui, sans mourir d'ennui. Cet ouvrage distille l'ennui. Il se dit particulièrement de la Lassitude morale qui fait qu'on ne prend d'intérêt, qu'on ne trouve de plaisir à rien. Être accablé d'ennui. Tomber dans un ennui profond. La maladie de l'ennui. L'ennui de vivre, Le dégoût de la vie. Il signifie encore Contrariété, souci; et dans ce sens, il s'emploie souvent au pluriel, Cette affaire lui a donné beaucoup d'ennui. L'ennui de l'absence. Un homme accablé d'ennuis. Les ennuis de la vieillesse. De mortels ennuis. Des ennuis d'argent.

Littré (1872-1877)

ENNUI (an-nui, an prononcé comme dans antérieur) s. m.
  • 1Tourment de l'âme causé par la mort de personnes aimées, par leur absence, par la perte d'espérances, par des malheurs quelconques. Le roi même arrivant partage leur ennui, Corneille, Œdipe, II, 3. Si malgré ces raisons votre ennui persévère, Mon cher Lélie, au moins faites qu'il se modère, Molière, l'Étour. II, 4. Adieu ; je sens mon cœur qui se gonfle d'ennui, Molière, ib. C'est de tous les ennuis l'ennui le plus sensible, Th. Corneille, Ariane, III, 2. Et ce sera de quoi mieux combler son ennui, Th. Corneille, ib. IV, 3. Ce n'est qu'avec le temps qu'un grand ennui se passe, Quinault, Mère coq. II, 6. Un fou rempli d'erreurs, que le trouble accompagne… En vain monte à cheval pour tromper son ennui ; Le chagrin monte en croupe et galope avec lui, Boileau, Épît. v. Sa mort avancera la fin de mes ennuis, Racine, Andr. I, 4. Pour comble d'ennui, Mon cœur, mon lâche cœur s'intéresse pour lui, Racine, ib. v, 1. Pour accabler César d'un éternel ennui, Racine, Brit. v, 8. Rien ne peut-il charmer l'ennui qui vous dévore ? Racine, Bérén. II, 4. Si d'une mère en pleurs vous plaignez les ennuis, Racine, Iphig. IV, 4. Ah ! que dis-tu ? pourquoi rappeler mes ennuis ? Voltaire, Zaïre, I, 1. Mais des ennuis d'Hamlet que faut-il que je pense ? Qui peut de ses transports aigrir la violence ? Ducis, Hamlet, II, 3. La vie est-elle toute aux ennuis condamnée ? L'hiver ne glace point tous les mois de l'année, Chénier, Élég. 27.

    Contrariété. Cette affaire lui a donné beaucoup d'ennui. Être accablé d'ennuis.

  • 2Sorte de vide qui se fait sentir à l'âme privée d'action ou d'intérêt aux choses. Donner, causer, avoir, éprouver de l'ennui. Un ennui mortel. Charmer les ennuis de l'absence. Quand on se verrait même assez à l'abri de toutes parts [des misères], l'ennui, de son autorité privée, ne laisserait pas de sortir du cœur où il a des racines naturelles, et de remplir l'esprit de son venin, Pascal, Pensées, t. I, p. 266, édit. Lahure. Dans l'Orient désert quel devint mon ennui ! Racine, Bérén. I, 4. L'ennui est entré dans le monde par la paresse, La Bruyère, XI. Pour la délicatesse et l'affectation d'ennui, il faut la réprimer en montrant que le bon goût consiste à s'accommoder des choses selon qu'elles sont utiles, Fénelon, Éduc. filles, 10. Le plaisir nous fait oublier que nous existons, l'ennui nous le fait sentir, Saint-Foix, Ess. Paris, Œuvres, t. IV, p. 246, dans POUGENS. L'ennui, ce triste tyran de toutes les âmes qui pensent, contre lequel la sagesse peut moins que la folie, Buffon, Nature des anim. Je ne sais si ma tête est jeune, mais mon corps est bien vieux ; si je ne m'amusais pas à faire des testaments, je serais bientôt mort d'ennui, Voltaire, Lett. d'Argental, 12 mars 1769. Il part, vole, arrive, l'ennui Le reçoit à la grille et se traîne avec lui, Delille, Hom. des champs, I. Rosine : L'ennui me tue. - Figaro : Je le crois ; il n'engraisse que les sots, Beaumarchais, Barb. de Sév. I, 2. C'était un rassemblement de commérages, une collection d'ennuis tout à la fois divers et monotones, Staël, Corinne, XIV, 1. Vive Homère ! que Dieu nous garde Et des Fingals et des Oscars, Et du sublime ennui d'un barde Qui chante au milieu des brouillards ! Lebrun, Stances sur Ossian. Sur un trône l'ennui se carre, Fier d'être encensé par des sots, Béranger, Prince de Navarre.

    Dégoût de tout. Tomber dans un ennui profond. L'ennui de la vie.

    Mélancolie vague. L'ennui de Réné [le héros d'un roman de Chateaubriand]. Du romantisme jeune appui, Descends de tes nuages ; Tes torrents, tes orages Ceignent ton front d'un pâle ennui, Béranger, Troubadours. Lorsque le grand Byron allait quitter Ravenne Et chercher sur les mers quelque plage lointaine Où finir en héros son immortel ennui, Musset, Poésies nouv. Lett. à Lamartine.

REMARQUE

Dans le style relevé, ennui est un mot d'une grande force et qui s'applique à toutes sortes de souffrances de l'âme : les ennuis du trône ; des ennuis cuisants. Dans le langage ordinaire, il perd beaucoup de sa force et se borne à désigner ce qui fait paraître le temps long.

HISTORIQUE

XIIe s. Sumeilla la meie aneme [âme] pur ennui, Liber psalm. p. 184. Amors m'a fait oublier L'ennui qui long tens m'a mort, Couci, IV. Se li ennuis de la gent malparliere Ne me feïst douloir, ib. XXVIII. Mais de chevage prendre est moult grant li anois ; à tort et à pechié somes clamé François, Sax. XVIII. Li prelaz d'Eurewie, cil de Londres, ço qui [je pense], Conseil lui unt duné privéement andui [tous deux], Que, veant si grant gent, ne li fesist anui, Th. le mart. 43.

XIIIe s. D'ennui et de paour sui au cuer mout destroite, Berte, XXIX. Ours ne lion n'est, ne beste sauvage Qui, tel foiz est, ne fraigne son vouloir De faire mal et ennui et domage, Eustache le Peintre, dans Couci. Car endroit moi ai-je fiance, Que songe soit senefiance Des biens à gens et des anuis, la Rose, 17. Et par ce que ce seroit anuis de dire et de specifier les cas de crieme, il seront dit el capitre des meffés, Beaumanoir, XI, 31. Il dient, por fere anoi à cex contre qui il ont à pledier, qu'il atendent leur conseil, Beaumanoir, XI, 67.

XIVe s. Qui ennuy fait ennuy requiert, Et ferus doit estre qui fiert, Leroux de Lincy, Prov. t. II, p. 390. Nous en dirons aucunes causes et non pas toutes, pour ce qu'il n'eust enuie de ceulx qui ceste histoire liroient, Chr. de St-Denis, t. II, f° 63, dans LACURNE.

XVe s. Quand Messire Jean de Hollande fut informé de cette aventure, si cuida bien forcener d'annoi, Froissart, II, II, 236. [Le roi Robert d'Escosse] assembla son conseil, et leur remonstra comment les Anglois, du temps passé, leur avoient fait plusieurs ennuis, Froissart, II, II, 13. Cinq sous font autant, Quant on est content Et qu'on jette les ennuis Derriere l'huis, Que d'escus les sacs tous pleins, Basselin, XXXIX.

XVIe s. Petit ennuy un grand ennuy appaise ; Bref, sans ennui, trop fade seroit l'aise, Marot, I, 383. Telle ennuy cesseroit, Marot, I, 382. Qui pourroit raconter l'ennuy que je receu, Quand de sur mon giron tout froid je l'apperceu, Ronsard, 791. Si je m'endors quand mes ennuis me tiennent, Je suis perdu des songes qui me viennent, Amyot, Du vice et de la vertu, 3. Ennuy en an le jour prolonge, Génin, Récréat. t. II, p. 238. Ennuy nuit et jour nuit, Leroux de Lincy, Prov. t. II, p. 296.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

ENNUI. - ÉTYM. Ajoutez : à l'appui de l'étymologie in odio, remarquez qu'on dit en provençal moderne : mé vénes en odi, tu m'ennuies.

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Étymologie de « ennui »

Déverbal sans suffixe de ennuyer, dérivé du bas latin inodiāre, formé sur l’expression in odio esse « être un objet de haine » du latin classique[1]. Ennui a signifié au XIIe siècle « tourment », puis « tristesse profonde, chagrin, dégoût » pour prendre progressivement, par affaiblissement, celui de « lassitude d’esprit, manque de goût, de plaisir ».
Wiktionnaire - licence Creative Commons attribution partage à l’identique 3.0

Berry, enneu ; provenç. enueg, enuet, enuey, enueit, enuit, enuoi, enoi, enut, et au féminin, enueja, enueia ; catal. enutg ; espagn. et portug. enojo ; ital. noja ; anc. ital. nojo. Mot important, mais d'origine douteuse. On le tire ordinairement du latin noxa ou noxia, tort, préjudice ; mais la forme des mots se prête peu à cette étymologie, puisque noxa ou noxia auraient donné nose ou noise. Fauriel propose le basque enoch ; mais rien ne garantit que enoch ne soit pas venu de l'espagnol dans le basque. Pour ces raisons, Diez, se joignant à Cabrera, propose le latin odium : est mihi in odio, cela m'ennuie ; d'où un substantif inodium, qui permet la dérivation de toutes les formes romanes, l'italien noja ayant perdu l'i ou l'e par une aphérèse qui n'est pas rare dans cette langue. Ce qui donne beaucoup de force à cette étymologie, c'est que inodio se trouve effectivement dans l'ancien parler vénitien, dont Diez rapporte ces exemples-ci : plu te sont a inodio, en italien più ti sono a noja, en français plus te sont à anoi ; a to inodio, italien a tua noja, français al tuen anoi. On remarquera à côté de la forme masculine, plus usitée, la forme féminine de ce mot en français, en provençal et en italien.

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Phonétique du mot « ennui »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
ennui ɑ̃nµi

Fréquence d'apparition du mot « ennui » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « ennui »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « ennui »

  • Le pourrissement de l'attente, l'ennui.
    Maurice Blanchot — L'Attente, l'oubli
  • Les maux sont moins néfastes au bonheur que l'ennui.
    Giacomo Leopardi — Zibaldone
  • La peur de l'ennui est la seule excuse du travail.
    Jules Renard — Journal, 10 septembre 1892 , Gallimard
  • La barbarie plutôt que l'ennui.
    Théophile Gautier
  • Toutes les méthodes agréables d'apprendre aux enfants les sciences sont fausses et absurdes, car il n'est pas question d'apprendre ni la géographie ni la géométrie, il est question de s'accoutumer au travail, c'est-à-dire à l'ennui.
    abbé Ferdinando Galiani — Lettre à Mme d'Épinay
  • L'ennui porte conseil.
    Gilbert Cesbron — Journal sans date
  • Surtout, ne pas confondre tristesse et ennui.
    Jules Renard — Journal 1893 - 1898
  • L'homme est né pour vivre dans les convulsions de l'inquiétude ou dans la léthargie de l'ennui.
    François Marie Arouet, dit Voltaire — Candide
  • L'éloquence continue ennuie.
    Blaise Pascal — Pensées, 355 Pensées
  • L’ennui suit l’ordre et précède la tempête.
    L. Langanesi
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Traductions du mot « ennui »

Langue Traduction
Anglais boredom
Espagnol aburrimiento
Italien la noia
Allemand langeweile
Chinois 无聊
Arabe الملل
Portugais tédio
Russe скука
Japonais 退屈
Basque boredom
Corse annacciu
Source : Google Translate API

Synonymes de « ennui »

Source : synonymes de ennui sur lebonsynonyme.fr

Antonymes de « ennui »

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Nombre de points du mot ennui au scrabble : 5 points

Ennui

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